
Dimanche 23 août 2009
Il s’agit du dernier jour de visite d’un lieu de mémoire. Nous commençons par le château d’Harteim, un bâtiment magnifique qui abrita l’un des massacres les plus atroces du système nazi. Ici moururent sans aucun espoir d’y réchapper, plusieurs centaines de milliers de malades mentaux ou handicapés physiques. Il règne une ambiance absolument étrange, voire malsaine. Sans les plaques commémoratives et un mini-musée sur l’autisme, impossible d’imaginer de telles horreurs. Et pourtant…Nous sommes tous, un par un, déconnectés de la réalité. Fabien le prouve bien en disant, sans mesurer le poids de ses mots : « Les camps je veux bien, mais ça, non ». L’ambiance est épouvantable car le lieu est trop propre, trop lumineux, avec trop de couleurs et un soleil trop éclatant pour qu’il soit le témoin d’un massacre d’une telle ampleur. Annie nous raconte l’un de ses premiers voyages à Harteim : le château avait été aménagé en maison de retraite et en tentant de visiter les lieux, elle s’était faite bousculer tant le sujet est encore tabou. C’est ça aussi, l’Autriche.
Dernier jour probable de galère pour Gaëtan et moi, pris à part pour simuler une conversation soit-disant naturelle. Il est difficile d’oublier les caméras orbitant autour de nous mais quelques fois, nous y parvenons et la discussion devient intéressante : un nazi est-il humain ? Sans aucun doute. Y a-t-il de la pression ? Très certainement. Ont-ils conscience de ce qu’ils font ? Oui, et ils se lavent la conscience derrière des explications rationnelles. La lecture de mémoires nazies nous en apprendra plus. C »est bien aussi d’avoir, de temps en temps, la voix du bourreau.
L’après-midi, direction le Kommando d’Ebensee, où Giovanni, notre chauffeur, nous prouve sa valeur en manœuvrant Joli-Coeur dans des rues improbables. Nous rejoignons Andreas et voir que l’implication de ce militant chevronné n’a pas changé depuis 4 ans réconforte. (Allez-y, je vous attends au tournant les jeunes !)
Visite des tunnels où la température de 7°C nous congèle. Quand on pense aux déportés en plein hiver, notre petit frisson dans l’échine nous parait bien illusoire. Guy et Robert parlent de plus en plus, s’expriment plus paisiblement : Guillaume nous le fait remarquer et c’est vrai.
Dépôt de gerbes au pied du monument : « Pour la vie soit belle et libre, et que la France ait un printemps ». (dernière pensée d’un déporté mort à Ebensee.). Question à Andreas : comment les gens font pour vivre sur les lieux d’un camp de concentration, ouvrant leurs fenêtres sur un monument aux morts ? Ils savent, il m’en assure. Il y a quelque chose comme de l’incompréhension, de la lassitude, un système scolaire différent du notre, des parents qui ne transmettent pas… Finalement, l’explication se noie. Lui tente d’alerter les esprits de son pays et Guillaume nous raconte les larmes dans ses yeux lorsqu’il assura que la France viendrait encore, et encore ici. Une part de leur travail a réussi, Guy et Robert comprennent qu’ils ont fait beaucoup pour nous.
Une part de leur travail est accompli.
A nous désormais.
Pauline
Photo : Visite des tunnels d'Ebensee. 23.08
Le groupe écoute Andreas